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Roman de Guy de Pourtales, écrivain français d'origine
suisse (1881-1941), publié en 1937 (Gallimard). Grand Prix du
Roman de l'Académie française.
Ouvert à l'Europe et au monde ( "Je ne
trouve en moi aucune unité et le mot patrie y flotte dans les
couleurs de deux ou trois drapeaux" écrit-il dans Chaque
mouche a son ombre), tout en demeurant attaché à ses
origines, Pourtalés est l'auteur de biographies (sur Liszt, Chopin,
Berlioz, Wagner, Nietzsche et Louis II de Baviére). Sa propre
vie lui a déjà fourni la matiére de deux romans,
Marins d'eau douce (1918) et Montclar (1927). Il s'attache
en 1934 à son autobiographie et c'est en récrivant le
manuscrit qu'il passe du "Nous" au "Ils", reprenant la matiére
d'un texte antérieur, "La Derniére Héloïse".
Aprés la mort de sa mére, Paul de Villars, qui appartient
à une vieille famille de Genéve, commence son apprentissage
de la vie (I). Paul poursuit ses études à Neuchâtel.
Il tombe amoureux de la niéce du secrétaire de sa famille,
Louise Landrizon. Mais elle épouse un autre homme, Perrin. Paul
se rend en Allemagne étudier la musique (II). A la mort de son
pére, sa situation financiére, gérée par
Landrizon, se révéle désastreuse. A Genéve,
Paul éprouve un malaise grandissant. Il retrouve Louise, mais
il part pour Paris aprés s'être battu avec Thélusson,
un amant de sa cousine Antoinette (III). Louise, enceinte, avorte par
dégoût de son mari. Mais elle ne se donne pas à
Paul, venu la retrouver. Antoinette et lui s'aiment sur le lac. En 1914,
Paul s'engage dans l'armée française (IV). Il est blessé
lors d'une offensive allemande. A Genéve, Perrin, Thélusson
et Landrizon font fortune en vendant des armes (V). Remis de ses blessures,
Paul se rapproche encore de sa cousine. A l'Armistice, le pére
d'Antoinette, qui a misé sur la victoire de l'Allemagne, se retrouve
ruiné. Le Palais de la S.D.N. est construit par Perrin et Thélusson.
Genéve devient une ville cosmopolite. Louise, internée
pour schizophrénie, se suicide en se jetant dans le lac (VI).
Antoinette et Paul se marient (VII).
A travers l'histoire des années de formation de Paul, se construit
l'image d'un homme qui, en se mesurant aux valeurs de son milieu cherche
à retrouver la vérité de son être. Incarnées
par une multiplicité de personnages qui vivent leurs destinées
propres en autant d'intrigues paralléles qui ouvrent le roman
à la dimension d'une fresque, ces valeurs couvrent principalement
le champ de la société, de l'amour et de la religion.
En accomplissant cette quête, Paul rencontrera la référence
réitérée au retable de Conrad Witz, autrefois à
la cathédrale Saint Pierre de Genéve, et qui donne son
titre au roman : tel l'apôtre Pierre, Paul sera "pêcheur
d'hommes". Ainsi, dépassant le conflit traditionnel à
Genève entre le conservatisme calviniste des patriciens de la
Ville haute et le libéralisme des parvenus des rues basses, il
choisit de devenir musicien. Mais cette attitude de désertion
ne l'empêche pas de s'engager résolument dans le conflit
entre la France et l'Allemagne, qui devient l'occasion d'une initiation
à la "sensation (...) de valoir plus que
soi-même" (V). Il tire de la guerre une leçon d'énergie
qui lui permet de mieux comprendre, sinon d'admettre "le
Dieu de la Loi, de la rigueur intellectuelle et des principes",
nécessaire à la survie d'une société de
toutes façons matérialiste (VI). En revanche, si l'interdit
qui pése sur le plaisir à travers la personne de Louise,
identifiée jusque dans sa mort à une moderne et "Derniére
Héloïse", dévorée par le sentiment de la faute,
le fascine, ce n'est que dans la révélation amoureuse
totale avec Antoinette, dans une barque opposée à celle
du Liebestod de Tristan et Isolde qu'il atteint cette
"magnitude de tout l'être" (VI).
Cet accord du désir avec le bonheur réussit à triompher
des formes sociales, des traditions et d'un modernisme vulgaire. Pourtalés
devait explorer ce bonheur dans un projet de suite intitulé "Les
Heureux de ce monde ou Les Lys des champs".
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