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Études haïtiennes
Titre de l'article |
date et lieu de parution |
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Lumières dans les parages obscurs, note sur Kettly Mars, Kasalé, La Roque d'Anthéron, Vents d'ailleurs/Ici & ailleurs, 2007 [première édition : Port-au-Prince, Imprimeur II, 2003] |
Des Goûts et des Couleurs, 1er février 2008, et, dans une autre version, Cultures Sud / Notre Librairie, N° à venir |
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Le
voyageur quittant Port-au-Prince par la route du Sud longe d'abord
les abords de Carrefour,
cette Frontière dont l'évocation fait émerger
les noms de bordels tristement célèbres : Copacabana,
Brisa del Mar, tant d'autres. La Nina Estrellita et El Caucho y célébrèrent,
L'Espace d'un cillement, la rencontre de la Caraïbe perdue avec
elle-même, se retrouvant dans sa propre différence.
C'est dans ces parages obscurs, à l'onomastique cependant
si évocatrice des rituels du vaudou, que Kettly Mars déroule
l'action de son beau roman. Dans les années 1970, les habitants
d'un lakou, regroupement de maisonnettes (des kayes) autour de la
présence d'une ancienne, et selon des règles sociales
et cultuelles strictes, vivent les dernières tentatives de
transmission des cultures populaires, alors que la déstructuration
sociale progresse à grand coups de buttoirs. Le roman capte
la plupart des thèmes qui travaillent la littérature
haïtienne quand elle porte son regard sur la lente décrépitude
des paysages et qu'elle inscrit celle-ci dans le destin des personnages
: ravinement accéléré par le déboisement,
lui-même causant le départ des dieux qui habitaient
au creux des grands arbres ; brouillage de l'identité par
l'intrusion agressive de l'autre religion ; brouillage des repères
géographiques et temporels ; désamour entre les êtres,
et violences barbares contre les femmes ; fuite des campagnes, du
pays, qui lui-même ne survit plus que par l'aide envoyée
de l'extérieur. "Souvent, nous
ne savons plus qui nous sommes. Cette ignorance nous fait peur, nous
rend méchant",
rappele l'héroïne Sophonie. La présence de l'altérité est
au centre de ce roman, comme cette fêlure qui fend la société haïtienne
de part en part, d'abord à travers chacun des êtres.
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Mise à jour le : 24/01/09 | |||||